LE DAMIER LEUR VA SI BIEN
Jamais le championnat de Pro D2 n'a été aussi serré que cette année. Entre le leader Grenoble (36 points) et le dernier NIce (16 points), l'écart est le plus réduit, après onze journées, depuis la création de la compétition. Le précédent "record" en la matière date de 2017 quand Colomiers, leader le 18 novembre avec 22 points d'avance sur le fond de la classe, n'avait même pas pu, en mai, accrocher la qualification.
Fabien Fortassin en a l'intuition qui, après la victoire arrachée face à Oyonnax (18-16), prédisait que "le vainqueur de la saison régulière aura sans doute, au printemps prochain, le plus faible total jamais enregistré". Et il est de plus en plus flagrant que tout le monde peut battre tout le monde dans cette Pro D2 où la course à l'armement resserre les niveaux.
Le VRDR, qui se bat avec les moyens du bord, c'est à dire en ayant très peu recours à ses recrues dans l'ensemble décevantes jusqu'alors, a donc fini par s'offrir le scalp d'un des favoris, ex-pensionnaire récurrent du Top 14. Au bout d'un match une nouvelle fois non maîtrisé, où l'éclat et les éclairs de quelques percées flamboyantes en première période ont progressivement laissé place ensuite au brouillon d'un rugby de gagne-terrain qui aura mis l'équipe trop souvent sur le reculoir. Blanc lumineux puis trous noirs: le Damier leur va si bien.
Ajoutons à ce contraste les faiblesses récurrentes - et étonnantes - des visiteurs, particulièrement maladroits et dominés en touche (les retours de McCauley et Bruchet ont fait un bien fou!), vous aurez tous les ingrédients d'un débat cafouilleux, également pénalisé par un arbitrage chaotique. L'écran géant de Pompidou est de plus en plus scruté...
Bière à la main, signe qu'il s'accorde enfin un moment de détente après s'être arraché les cheveux et avant, "à froid", de décortiquer tous les manques affichés par les siens, Fabien Fortassin s'est contenté de "gagner moche" en une période où, l'avoue-t-il, "ce sont surtout les points rapportés et le classement qui comptent". En trois victoires sur un bloc de six rencontres, trois victoires aux manières très différentes (à l'extérieur, une rareté, à Nice; au bout d'une prestation magistrale devant Brive; et en tremblant jusqu'à l'ultime seconde ce vendredi), les Drômois ont enfin laissé le bonnet d'âne -provisoire - à Nice. Sans se soustraire à la menace, ils ont tout de même acquis le droit, au courage, à l'abnégation, de s'offrir une courte trêve un poil plus souriante. A moins d'une défaite de la lanterne rouge certes, mais à une victoire de la neuvième place... Tout est possible vous dit-on!
Quand, finalement, toutes les équipes, si elles n'ont ni le même budget ni les mêmes ambitions, jouent peu ou prou dans la même cour, la vérité d'une journée est régulièrement contredite à la suivante. A cette aune, il convient de se reconcentrer d'abord sur son propre potentiel et ses propres performances. Les dents de scie seront donc manifestement et jusqu'au printemps prochain le lot des Damiers et de leurs supporters, dont on peut se réjouir qu'ils demeurent fidèles en nombre et en soutien, malgré aléas et fréquentes déceptions. Il faut accueillir comme un signe positif, par exemple, l'issue favorable de cette rencontre que personne ne méritait de gagner: la pièce, pour une fois, est retombée (ou, plutôt, est restée...) du bon côté. C'est une éclaircie, le combat reste donc parfaitement jouable.
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Avec le talonneur Cyril Deligny auteur d'un doublé et meilleur marqueur d'essais (4), avec un Lucas Méret toujours, et de loin, meilleur buteur de Pro D2, le VRDR se satisfait du viatique qu'il trace péniblement et des petites marches qu'il finit par gravir, dans la douleur et l'inquiétude. Il essaiera de trouver une voie au fil d'un prochain bloc de trois matches sur quatre à l'extérieur, avec ces premières gelées qui ne vont pas favoriser sa volonté de produire du jeu. Il est évident que le parcours à venir, sans réel leadership dans le groupe, en croisant les doigts pour que les joueurs signés cet été se hissent au niveau attendu, risque d'être cahoteux jusqu'au bout. Mais l'espoir est bien vivant que, tout de même, l'épilogue en sera heureux.
P. Laf.