SOIR DE FÊTE
Il y a des impressions qui ne trompent pas. Ce petit doigt, qui nous disait que cette saison de Pro D2 est la plus serrée depuis que ce championnat existe, disait la vérité : jamais, à l'issue de la 9e journée, l'écart entre la tête du classement (le trio Montauban, Biarritz, Grenoble, 27 points) et la lanterne rouge (Nevers, 14) n'a été aussi réduit. Et le VRDR flamboyant, en éparpillant l'armada briviste (42-19), a prouvé que tout le monde peut battre tout le monde: les cartes sont rebattues à chaque journée et rien n'est écrit d'avance.
Dans un Pompidou quasiment plein et conquis par tant d'audace, de combativité et de réussite, les Damiers ont racheté toutes les approximations et faiblesses affichées depuis fin août. Après le match fondateur de Nice (première victoire à l'extérieur 24-19), voici le match référence contre Brive (42-19). Un succès - que dis-je? un triomphe! - qui me permet de céder une seconde fois à mon péché mignon de la statistique... Qu'on se le dise, jamais Brive n'a encaissé, lors de ses passages en Pro D2, autant de points qu'à Valence: ces deux déroutes - 10-45 l'an dernier et 19-42 ce vendredi - sont les deux plus grosses fessées que le CAB y a endurées. Son "record négatif" était jusqu'alors un 19-40 encaissé en 2013 à Oyonnax. Le VRDR est désormais la bête noire de Brive... Voilà une jolie guirlande sur son CV!
Comme le disait dans un sourire comblé Dorian Marco-Pena, "on a eu une soirée de fête en communion avec notre public", parfaitement en ligne avec le "jour de fête" annoncé par son manager, Fabien Fortassin, la veille en conférence de presse. Quand la stratégie et les consignes sont respectées, les choses vont tout de suite mieux voire très, très bien!
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"Nos adversaires avaient parfaitement analysé notre jeu et nos points forts sont devenus nos points faibles", constatait amèrement le talonneur corrézien Lucas Da Silva, en colère contre lui-même et ses camarades pour "n'avoir pas respecté les supporters qui avaient fait le long déplacement pour nous encourager". Un accablement partagé sèchement par son coach, Pierre-Henry Broncan: "Les Drômois ont été très bons et nous avons été nuls".
Au-delà d'avoir fait grand plaisir aux leurs et d'avoir rassuré sur leur capacité à exister et, mieux, jouer un rôle dans la compétition, Axel Bruchet et son équipe ont retrouvé à la fois l'insouciance, les qualités offensives et défensives qui leur avaient offert, la saison dernière, un maintien mérité. "C'était l'occasion idéale pour se lâcher, faire vivre le ballon et ils l'ont saisie, au-delà même de mes espérances", se réjouissait Fortassin. Ils l'ont saisie à pleines mains, jouant une partition quasi parfaite, renversant pronostics et montagnes de muscles, face à un visiteur venu au grand complet et avec l'intention de conquérir la place de leader.
Témoignent de cette domination intelligente et concrète, les quatre essais tous venus de derrière, à l'abri d'un pack conquérant, jamais en difficulté : Lhusero, Mawalu, Neiceru et Moura ont conclu des actions de toute beauté, des combinaisons trop rapides et subtiles pour la lourde légion visiteuse, et retrouvé cette joie de jouer qui leur faisait tant défaut au fur et à mesure que les résultats négatifs s'enchaînaient. Non seulement la pièce est enfin tombée du bon côté mais les Damiers ont sorti quelques pépites. Au point de livrer une démonstration que le consultant de Canal + Jérôme Thion, pourtant avare en compliments, a salué d'un: "Les Brivistes ont pris une leçon de rugby". Et, on l'a perçu à travers leur attitude et leurs propos, d'humilité.
Même si le rugby n'aime pas s'attarder sur les performances individuelles, il convient ici de saluer la prestation de Louis Marrou, la recrue qui ne cesse d'apporter vivacité, audace, lucidité et expérience au centre de l'attaque. Parfaitement secondé, en l'occurrence, par Anatole Pauvert, Mosese Mawalu et Joris Moura entre autres. Mais ce sont les 23 garçons qui se sont mis au niveau et au diapason.
S'ils conservent désormais cette maîtrise dans leur jeu, ces Damiers, qui sortent de la zone rouge, peuvent croire fermement à la remontada. Il y a des impressions qui ne trompent pas et celle que la foule de Pompidou a partagée, en ce vendredi joyeux, semble annonciatrice de jours meilleurs.
P. Laf.